Un canal pour Walther

ok boliDans la région du Centre, les ascenseurs hydrauliques sont l’un des témoins du développement économique passé du Hainaut et de la poésie de ses canaux. Rencontre avec Walther Marcel, ingénieur passionné et ex adjoint du chef de district de l’ancien canal.

C’est d’abord une barbe. Une barbe blanche comme on en voit peu. Et puis ce sont ces yeux; nostalgiques. Un peu comme les ascenseurs du canal du Centre dont les couleurs et les rouages rappellent ceux d’un autre temps.

« J’ai travaillé toute ma vie pour le canal du Centre, explique Walther Marcel, en ouvrant la marche vers les ascenseurs hydrauliques. J’étais adjoint du chef de district. »

Depuis le jour où il est entré en fonction, le 16 février 1961, l’homme dédie ses recherches et ses récits aux voies navigables de la région du Centre. Un bout de Belgique qu’il choie et qu’il arpente sans relâche.

Château fort

Quatre ascenseurs à bateaux aux allures de château fort parcourent la voie d’eau. Bâtis de poutres en fer, ils permettent de franchir des dénivelés d’environ 16 mètres. “Au XIXème siècle, les bateaux acheminaient leurs cargaisons de charbon et reliaient ainsi le canal de Mons-Condé et celui de Charleroi-Bruxelles”, raconte Walther. Les avantages? Une réduction des coûts et des délais de livraison.pte taille

Son préféré, c’est l’ascenseur numéro 3, celui de Strépy-Bracquegnies. « Mon père est arrivé en Belgique en 1912, et nous avons vécu ici, dans le village de Strépy », se souvient-il, accoudé sur le ponton métallique. Le temps de sortir sa carte d’identité française, il troque son accent du Centre pour celui de ses ancêtres.

Force hydraulique versus électricité

Walther a consacré sa vie aux ascenseurs. Il connait leur mécanique dans les moindres détails. « Les plus anciens fonctionnent grâce à une seule source d’énergie, l’eau, dit-il, en se glissant dans la salle d’exposition des machines. A l’époque, il n’y avait pas de pompe, alors on a choisi la solution des ascenseurs à cause de la rareté de l’eau. Avec des écluses, on aurait eu de trop grosses pertes d’eau à chaque passage de bateau car les déclivités du canal sont très importantes. » Ces petites merveilles écologiques, ridées par le temps, fonctionnent comme des balances, quasiment sans consommation d’énergie. Les poids de deux bacs d’eau se compensent et permettent de remonter (ou de descendre) un bateau par la seule force hydraulique. « En un quart d’heure, le tour est joué. En plus, ils ont été pensés pour résister à une secousse sismique allant jusqu’à 6 sur l’échelle de Richter », ajoute l’ingénieur.

ptiAujourd’hui, un nouveau venu domine la plaine. L’ascenseur de Strépy-Thieu. Il a fêté ses dix ans en août dernier. Ce colosse de béton fonctionne à l’électricité. Il rachète à lui seul une dénivellation de 73 mètres et remplace ainsi les quatre ascenseurs hydrauliques, classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Entre 1979 et 1984, Walther Marcel a participé aux recherches géologiques précédant sa construction. « Outre son coût faramineux et les diverses questions liées à sa construction, je dois admettre que cet ascenseur est une belle technologieCe n’est pas pour rien que les Chinois ont racheté les plans de Strépy-Thieu pour en construire un identique sur le Yang-Tsé », termine-t-il.

Walther Marcel n’en dira pas plus sur le rôle qu’il a joué dans la région.

Son fidèle appareil photo à l’épaule, il s’éloigne de l’impressionnante muraille. A présent retraité, il photographie sans relâche l’ancien canal et ses ascenseurs, qui, avec lui, sont les témoins précieux d’une autre époque.

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